La flavescence dorée, un fléau pire que le phylloxéra ?

Amis vignerons, attention, c’est le retour de LA menace ! La presse anglo-saxonne spécialisée en faisait ses choux gras il y a vingt ans. Enfin, d’après mon père car j’étais un peu jeune pour lire la presse viticole, dans la langue de Shakespeare comme de Molière d’ailleurs. Selon ces journalistes, frappé par un mal irréductible, le vignoble bordelais allait purement et simplement disparaitre dans les 20 prochaines années.

Alerte sanitaire dans les vignobles français

Cette précision faite, la menace de la flavescence dorée parait suffisamment grave pour être prise très au sérieux. Depuis la crise du phylloxéra qui a pris fin il y a un peu plus d’un siècle, les menaces avaient surtout occupé le terrain économique : les vraies crises viticoles du XXe siècle sont liées aux deux grandes Guerres, à cause de la perte des débouchés commerciaux, même si le contrecoup du phylloxéra est la création des premières AOC… dans les années 30 ! Pour trouver des traces des précédentes crises sanitaires majeures, c’est simple, il faut remonter au XIXe siècle. Dans les années 1850, un champignon nommé oïdium apparait et provoque rapidement une forte baisse de la production(1). Une lutte à grands coups de sulfatages y met (presque) fin. La fameuse « bouillie bordelaise » apparait dans ce contexte. Si on vous en sert un jour, déclinez la proposition : c’est un pesticide constitué d’un mélange de soufre et de cuivre.

Le risque potentiel : une perte totale de récolte !

A peine sorti de ce guêpier, la filière doit faire face à un mal encore plus destructeur dès 1869 : le phylloxéra. Pas une guêpe mais un puceron, ce nom désignant par la même occasion la maladie qui résulte de la disparition des racines de la vigne, occasionnée par l’appétit vorace de ce petit insecte. La solution au phylloxéra est venue des porte-greffes américains, aux racines plus coriaces. Rares en France sont aujourd’hui les pieds dits « préphylloxériques »(2), en raison de l’âge des vignes, mais surtout parce que ce puceron est un globe-trotter : une décennie environ lui a suffi pour visiter toute l’Europe, et dans le monde seul le Chili et son vignoble entre océan et montagnes aurait été épargné… En France, les rares vignerons qui ont la chance de faire du vin à partir de ces très vieilles vignes ne s’en cachent pas. On peut donc en trouver, des petites cuvées en général, mais c’est généralement mission impossible.

Un problème de sensibilisation des producteurs

Revenons-en à la flavescence dorée. Question menace, c’est plutôt un mix entre l’oïdium et le phylloxéra : la flavescence dorée est un champignon véhiculé par la cicadelle, un insecte qui se nourrit de la sève de la vigne (entre autres). Visuellement, les symptômes sont nombreux et peuvent faire penser à d’autres maladies, comme un changement de couleur du feuillage ou un flétrissement des baies. Le problème principal, à l’heure actuelle, relève apparemment davantage d’un manque de sensibilisation des producteurs que d’autre chose puisque divers moyens de lutte existent. A condition de savoir contre quoi lutter, et à temps, sinon c’est l’arrachage.(4) Le Syndicat des vins de Blaye a tenu le mois dernier une réunion pour informer ses membres sur le risque potentiel : une perte totale de la récolte ! Raison pour laquelle cet article me paraissait inéluctable. En effet, un des moyens pour endiguer le phénomène est de lutter contre son agent pathogène, la cicadelle !

La cicadelle, moyen de transport de la flavescence dorée, est une sorte de sauterelle. Pour nos vignes, leur association mortifère fonctionne comme celle du rat et la peste autrefois…

Les vignobles bio, qui ont moins recours aux pesticides, sont une proie plus facile pour ce ravageur. La vigilance est donc impérative. Vous êtes vigneron : soit vous savez déjà tout ça, soit vous courrez vous informer auprès de votre Syndicat !

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(1) J’en profite pour vous rassurer au passage : à présent quand leurs homologues Californiens affirment à leur tour (d’après une étude scientifique, mais bon…) que le réchauffement climatique est une menace aussi grave menaçant l’existence de certains vignobles français à l’horizon 2050, dites-vous qu’il y a aujourd’hui de la vigne au Maroc (et au Liban, et au Gabon, etc.), et qu’en prime ce sont les mêmes cépages que dans le Sud de la France, Bordeaux compris (cf. article du 25.04.2013 La menace climatique : entre fantasme et fantaisie).

(2) Dans le Blayais, plus septentrional que les autres sous-régions viticoles girondines, l’oïdium frappe un ou deux ans plus tard, en 1853, mais comme ailleurs il frappe fort : comparé à une année « normale » de l’époque, la production de vin rouge atteint seulement 39% et celle de vin blanc 28%. En 1854 c’est encore plus violent : respectivement 19% et 8,5% des volumes d’une année normale ! (Source : Les Cahiers du Vitrezais, « Le vin de Blaye », par la Revue archéologique, historique et littéraire des Hauts de Gironde, 1981, d’après les archives départementales).

(3) Et pour cause, en 1914 il n’en restait que 5% ! (même source que préc.)

(4) Il me semble que des parcelles entières ont été arrachées dans la Loire, alors autant éviter d’en arriver là !

5 réflexions au sujet de « La flavescence dorée, un fléau pire que le phylloxéra ? »

  1. Vous avez raison, la flavescence dorée est un fléau. Son développement sur le vignoble français est très préoccupant. La lutte chimique pour maitriser la cicadelle (vectrice du phytoplasme, une bactérie et non un champignon) est nécessaire et OBLIGATOIRE (si le vignoble est dans le périmètre de lutte obligatoire) que l’on soit en culture bio ou conventionnelle. Mais la première protection commence par la lutte prophylactique. La mise en place de la prospection au mois d’aout et septembre est indispensable pour éradiquer cette maladie. Les viticulteurs doivent apprendre à reconnaître les symptômes et arracher les pieds contaminer car sans pied de vigne contaminé, les citadelles ne pourront plus propager la bactérie…

    http://www.vignevin-sudouest.com/publications/fiches-pratiques/flavescence-doree.php#ancre6

    Je me permets de faire un petit correctif :
    La bouillie bordelaise est un mélange de chaux et de sulfate de cuivre (et non de soufre). Le cuivre est un fongicide anti-mildiou. Le soufre est un fongicide anti-oïdium.

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Bouillie_bordelaise

    A bientôt !

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    1. Quelques erreurs c’est vrai, je plaide coupable… mais le message devait être diffusé. Merci pour votre éclairage ! Si le traitement est obligatoire, alors la réunion d’information au Syndicat était certainement une convocation. A Blaye il me semble que le message a bien été délivré, et a bien été reçu. 🙂

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  2. Je me permets deux remarques car je suis entomologiste.
    La photo de cicadelle que vous avez choisie n’est pas celle d’un Scaphoïdeus titanus
    La flavescence dorée existait depuis longtemps en Armagnac de manière sporadique (rougeot pour les cépages à anthocyanes). L’arrivée du titanus d’Amerique, qui n’a pas fait naufrage, a tout changé car il s’est révélé un très bon vecteur contrairement aux espèces indigènes.

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    1. Merci pour vos précisions ! Il est intéressant de noter que la cicadelle incriminée partage son origine américaine avec le phylloxéra. C’est un exemple de plus parmi les écosystèmes modifiés par l’introduction d’une espèce animale du fait de l’homme. Les exemples historiques sont nombreux, pour les seules dernières années on pourrait citer : la tortue de Floride, le frelon asiatique (ça, c’est pour Olivier ;)), ou encore la fourmi jaune d’Argentine.

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