Le rosé : deux méthodes de fabrication

La fin des vendanges laisse place à une autre phase cruciale dans l’élaboration du vin. C’est même à ce stade qu’on peut vraiment commencer à parler d’élaboration, ce stade étant celui des vinifications. Il y a deux méthodes pour faire du rosé. La première est celle des rosés de saignée. La seconde est celle des rosés de presse. Ça veut dire quoi ? Comment fait-on ? Explications.

Pour comprendre en quoi consiste la première méthode, il faut savoir que saigner une cuve veut simplement dire qu’on la vide, au moins en partie. En fait, cette méthode consiste après avoir rempli une cuve, à laisser macérer les peaux de raisin dans le jus (celles-ci formant alors ce qu’on appelle le marc. Et oui, lorsque la vendange arrive au chai, et qu’elle est foulée, les peaux des raisins écrasés (« foulés » dans le jargon) suivent le même destin que le jus libéré lors du foulage. Ce qu’il faut bien saisir, c’est que les matières colorantes d’une baie de raisin sont contenues dans sa peau. Le vin rouge est donc obtenu par macération des peaux dans le jus puis, une fois la fermentation démarrée, dans le moût – celui-ci étant le jus en fermentation.(*) Pour obtenir un vin plus clair, légèrement teinté, on laisse les peaux macérer sur une courte durée : quelques heures pour un rosé, 24h maximum, 48h si on veut faire du clairet(**)… et pendant toute la durée de fermentation pour les vins rouges, soit 2 à 3 semaines.

La seconde méthode consiste quant à elle à laisser les raisins macérer quelques heures non pas dans la cuve mais dans le pressoir. Le jus obtenu lors du pressurage est donc légèrement coloré. Vous l’aurez compris, c’est une histoire de macération, et plus précisément de durée de macération. Vous l’aurez compris également, à la base, il faut une variété de raisin noir. Si celui-ci peut produire des vins colorés, rouges et rosés, il peut aussi produire des vins blancs, dès lors qu’on ne fait pas macérer les peaux des raisins dans le moût. Une différence entre ces deux méthodes : dans la première, on retire le jus alors que le processus fermentaire est déjà activé (donc il convient davantage de parler de moût, ce terme remplaçant celui de jus quand la fermentation commence) ; dans la seconde, on retire le jus avant que la fermentation démarre (donc c’est bien du jus, il est trop tôt pour parler de moût).(***)

Il existe bien une autre méthode, mais elle est interdite pour les vins d’appellation (sauf Champagne, merci Eric !). Si cela a failli être remis en cause par la Commission européenne, la levée de boucliers dans les grands pays producteurs européens a empêché que cette méthode soit autorisée. Elle ne l’est que pour ce qui concerne les vins de table et consiste simplement à mélanger des vins blancs et des vins rouges. Ce que j’en pense ? On parle de vin là, pas de peinture, si c’était aussi simple… Et puis vous connaissez certainement l’adage : blanc sur rouge rien ne bouge, rouge sur blanc…


(*) D’ailleurs, au cours de la fermentation c’est la raison d’être des opérations de remontage et de pigeage (en Bourgogne notamment). Un remontage consiste à arroser le marc formé par les peaux flottant à la surface de la cuve (sous l’effet des gaz de fermentation). Le pigeage consiste à enfoncer le marc dans le moût, pour homogénéiser le contenu de la cuve. En effet, lors de la fermentation, le gaz émis fait flotter les peaux de raisin à la surface des cuves. On parle alors de chapeau de marc. Le gaz empêche l’oxydation des peaux qui composent ce chapeau, mais il est nécessaire de les arroser de jus ou de les enfoncer dans la cuve pour qu’un échange ait lieu entre les peaux et le jus/moût. Sans cela, difficile d’obtenir un vin de garde, coloré et structuré…

(**) Considéré à tort par certains comme un vin rouge peu coloré, le clairet est en réalité un rosé foncé. Il existe une appellation Bordeaux Clairet AOC, spécialité bordelaise qui doit certainement son nom à celui que les Anglais donnaient autrefois aux vins de Bordeaux, qu’ils appelaient « Claret ».

(***) Au risque d’être redondant :
– avant la fermentation, on parle de jus
– pendant la fermentation, on parle de moût
– après la fermentation, on parle… de vin ! En réalité seule la fermentation alcoolique (transformation du sucre en alcool) est terminée, une autre fermentation pouvant survenir ultérieurement, ce qui est plus que conseillé pour la qualité du vin (dite malolactique : transformation de l’acide malique en acide lactique). L’élevage en barrique favorise la fermentation malolactique.
Marc dites-vous ? En fait, le « c » est muet. On prononce « mar ».


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6 réflexions au sujet de « Le rosé : deux méthodes de fabrication »

  1. « pendant la fermentation, on parle de marc »

    Euh non, on parle de moût. Le marc, c’est la peau du raisin.

    La dernière méthode n’est pas interdite dans toutes les appellations françaises. Elle a toujours été autorisée en Champagne (90 % des Champagnes rosés sont élaborés avec cette méthode).

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  2. Merci pour les liens Eric ! Le 3e en particulier est très instructif ! Pour l’anecdote, un ami moldave fan de Gewurztraminer me demandait si on avait aussi du Traminer en France. J’ignorais ce cépage alors que je connaissais le Savagnin… Maintenant j’aurai la réponse !
    @ Boris : j’arrive après la bataille mais oui on peut et concernant le goût il dépend avant tout du cépage qui apporte la matière première donc il sera différent, mais la qualité peut aussi bien être au rendez-vous, à voir donc 😉

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