Les cépages bordelais rouges et leurs caractéristiques

Ce qui fait avant tout l’identité des vins de Bordeaux est certainement la pratique des assemblages. Un vin d’assemblage est issu de plusieurs cépages, ceux-ci étant la variété de vigne utilisée pour produire du vin. A l’inverse, quand un seul cépage est utilisé, on parle de vin mono-cépage. C’est par exemple le cas des vins rouges de Bourgogne, faits exclusivement avec du Pinot Noir. Pour revenir à Bordeaux, trois cépages sont plus fréquemment utilisés aujourd’hui.

3 cépages principaux et 3 cépages complémentaires

Le Merlot, cépage le plus répandu dans le monde, est aussi le cépage le plus répandu dans le Bordelais. Il règne en maître sur la rive droite de l’estuaire de la Gironde et de la Dordogne. Contrairement à la tradition bordelaise des vins d’assemblage, les Pomerol sont régulièrement des 100% Merlot (on parle alors de vins mono-cépage).

Caractéristiques : souplesse et élégance, ampleur et rondeur
Arômes : fruits rouges (framboise, fraise, cerise) et fruits mûrs (pruneau)

Le Cabernet-Sauvignon a fait la réputation des vins du Médoc où on lui associe le Merlot pour assouplir son côté strict. Ses tanins, plus droits que ceux du Merlot, se marient mieux avec les tanins du chêne lors de l’élevage en barrique pour élaborer des vins de grande garde. Non pas que le Merlot ne puisse pas donner des vins de grande garde, mais le Cabernet-Sauvignon présente les meilleures dispositions pour cela.

Caractéristiques : droiture, compacité, densité
Arômes : fruits noirs (mûre, cassis), réglisse, épices

Le Cabernet-Franc, ancêtre des deux précédents, est nettement utilisé dans le Libournais. Il y est apprécié pour le surplus de finesse qu’il amène lors de l’assemblage. Ainsi, le fameux Château Cheval Blanc comprend 60 % de Cabernet Franc, une proportion qui reste exceptionnellement importante dans la région. C’est en effet dans le Val de Loire qu’il est le plus populaire.

Caractéristique : fraicheur et élégance, finesse
Arômes : fruits rouges, épices, parfois violette

3 cépages minoritaires

Le Malbec

Cépage majoritaire à Cahors, remis au goût du jour par le succès des vins Argentins. Le Malbec a d’autres noms, le plus courant étant le côt. Il est aussi appelé Auxerrois, ce qui trahit une origine bourguignonne. Et Pressac, du nom de la propriété éponyme qui aurait été la première à le cultiver dans la région. Ainsi que, dans le temps, Teinturin, un nom donné à divers cépages selon les régions, en raison d’une forte coloration. Il connait un net regain de faveur dans le Blayais.

Caractéristiques : souplesse et douceur (voire un côté velouté), ampleur et rondeur
Arômes : violette, fruits rouges, épices (parfois pain d’épices !)

Le Petit-Verdot

Cépage typiquement médocain, alors que le Malbec n’est pas cultivé rive gauche (moins de 1 %). Avec cette précision que l’AOC Pessac-Léognan, assez centrale il faut bien le dire, permet de cultiver les 6 cépages traditionnels du Bordelais. Le Petit-Verdot, difficile à cultiver, est intégré aux grandes cuvées médocaines uniquement s’il est bien mûr, donc les meilleures années. Pourvu d’une acidité élevée et d’un bon degré alcoolique, il produit un vin de garde qui apporte complexité et charpente aux assemblages.

Il amène de la puissance et de la fraicheur, mais pour cela il doit être bien mûr. Les années délicates, il n’est donc pas intégré aux premiers vins des grands crus.

Le Carménère

Un vieux cépage proche des Cabernet tombé dans l’oubli. Au moment du classement de 1855, il était néanmoins majoritaire. Eh oui, à l’époque le Merlot – qui nait dans le Libournais à la fin du XVIIIe siècle – faisait alors à peine son apparition dans le Médoc !

Il apporte de la puissance et de la couleur. Sa palette aromatique se rapproche du Merlot, avec davantage d’arômes épicés.


L’intérêt de connaitre ces caractéristiques pour le producteur est de s’en servir pour obtenir un bon équilibre dans son vin, voire l’améliorer, de manière à produire un vin conforme au standard de son appellation. Dans un vignoble ancien où les parcelles sont occupées par la vigne depuis des siècles, le travail de sélection a déjà été fait. On parlera de typicité, de respect du terroir. Evidemment, celui-ci évolue, même si cette évolution a lieu très lentement.

Plus fragile, le Cabernet Sauvignon s’est mieux adapté dans le Médoc, plus au Sud que la rive droite de la Gironde, et protégé des vents océaniques par la forêt des Landes. Plus vigoureux, le Merlot s’est totalement imposé sur la rive droite, et il est amusant de constater l’équilibre quasiment parfait entre le Cabernet-Sauvigon et le Merlot dans les Graves, les Pessac-Léognan ayant cette réputation justifiée d’élégance, mais surtout d’équilibre.

Certaines évolutions, climatiques par exemple, peuvent conduire à replanter certains cépages. C’est le cas du Petit-Verdot dans le Médoc (les crus classés ont ainsi augmenté les proportions ces dernières années, souvent entre 5 et 10 %). Le fait que l’Argentine fasse du Malbec son cépage-roi et le succès des Cahors a remis ce cépage au goût du jour à Blaye. Le Carmenère, qui a failli disparaitre à cause du phylloxéra au XIXe siècle, est mis à l’honneur au Chili mais semble s’être fait détrôner par le Cabernet-Sauvignon et le Merlot de manière irrémédiable…

Quant au dégustateur, avec l’expérience ces différentes caractéristiques peuvent l’aider à retrouver l’origine d’un vin, grâce à sa typicité. Plus simplement, si on s’en tient aux arômes, ils permettent de vérifier si le vin a été produit dans de bonnes conditions ou non. Ainsi, des arômes végétaux sont le signe d’un manque de maturité tandis que des arômes de fruits noirs et mûrs sont celui d’une maturation optimale.

2 réflexions au sujet de « Les cépages bordelais rouges et leurs caractéristiques »

  1. Bonjour Monsieur,

    Pouvez vous me dire si il existe des vins de Bordeaux mono-cépage ?

    Si oui quel pourcentage de la production bordelaise représentent-ils ?

    Cette production a telle toujours existé ?

    Merci.

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    1. Bonjour, les assemblages sont vraiment une particularité des vins de Bordeaux mais tout principe a ses exceptions.

      Il existe des vins de Bordeaux monocépages, le plus souvent en Merlot. Beaucoup de Pomerol sont ainsi des 100% Merlot. Petrus, un des rois de Bordeaux, comprend un faible pourcentage de Cabernet Franc et, certains millésimes, se passe même de ce cépage.

      Question pourcentage, j’aurai du mal à être précis mais les monocépages sont une minorité. Ainsi trouver un 100% Malbec ou un 100% Petit-Verdot est difficile… c’est d’autant plus difficile que généralement seul le cahier des charges des appellations Bordeaux et Bordeaux Supérieur autorise de tels mono-cépages. Dans mon secteur de Blaye, le château Segonzac produit un 100% Petit-Verdot certains millésimes, et le Château Magdeleine Bouhou un 100% Malbec, mais le premier en AOC Bordeaux et le second en Vin de Table (et non en AOC Blaye Côtes de Bordeaux) – ce qui n’enlève rien à leur qualité et permet de respecter les cahiers des charges qui établissent la réglementation de chaque AOC. En AOC Blaye Côtes de Bordeaux par exemple, si ma mémoire est bonne, seuls le Merlot et le Cabernet-Sauvignon sont autorisés en mono-cépages.

      Ce type de production a certainement toujours existé mais il faut savoir qu’autrefois la production était composée de beaucoup plus de cépages et que les parcelles étaient complantées de divers cépages. Progressivement, les moins qualitatifs et les moins résistants ont été éliminés. Si le Merlot – 1er cépage girondin – s’est imposé depuis son apparition dans le Bordelais (au XIXe siècle), c’est avant tout en raison de sa maturité plus précoce ainsi que d’une meilleure résistance aux maladies.

      A titre personnel, cependant, le principal intérêt que je porte aux vins monocépages est de se familiariser avec eux pour ensuite pouvoir identifier les caractéristiques de tel ou tel cépage. En effet, l’assemblage permet de tirer parti des qualités complémentaires de chacun (et on saura retrouver l’élégance et la souplesse du Merlot ou l’austérité et la puissance du Cabernet-Sauvignon, l’ampleur du Merlot et la compacité ou la douceur veloutée du Malbec – à faible rendement)… De sorte que la majorité des vins de table sont des monocépages tandis que la plupart des grands vins sont des vins d’assemblage. Encore une fois, c’est un principe et non une règle absolue – et certains cépages se prêtent mieux aux productions monocépages que d’autres.

      Au final votre question est très justifiée : si on reste dans les rouges, en Bourgogne le Pinot Noir règne en seul maître, en Beaujolais c’est le Gamay, à Cahors c’est le Malbec, etc.

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