Le vin bio : kézaco ?

Allons droit au but : le vin bio n’existe pas ! Il s’agit en réalité d’un abus de langage : c’est le raisin qui est bio, pas le vin qui est un produit naturel par définition. En revanche, on pourra dire que tel vin est issu de raisin bio. Pour mieux comprendre le sujet, procédons à un petit retour en arrière.

Au commencent, il n’y avait rien. Puis Dieu a créé l’homme. Et l’homme a créé le vin. Sur sa lancée, l’homme a créé les pesticides. Au siècle dernier, la productivité des vignes, leur capacité à produire du raisin, a été multipliée par trois grâce au progrès scientifique. Autant vous le dire tout de suite, la vigne est une plante malade. Qui aime bien châtie bien : l’homme lui fait déjà subir un stress hydrique important pour aller puiser ses racines en profondeur. En plus de cela, la vigne est sujette à des agressions diverses de la part de la flore puisque si les lapins ne se cachent pas pour s’en prendre aux jeunes pousses, ce sont des agresseurs plus discrets qui occasionnent les pires dégâts.

D’abord, c’est le phylloxera qui mange ses racines. Ce petit parasite presque invisible à l’œil nu a failli causer la disparition du vignoble français voire européen à la fin du XIXe siècle, expliquant l’origine des porte-greffes américains (les pieds autochtones ont quasiment disparu), insensibles à l’appétit de cet ancien pire cauchemar des vignerons. Ensuite, ce sont tous les acariens phytophages, qui s’en prennent aussi bien aux pieds qu’aux bourgeons, à l’image de l’araignée rouge (dont la larve pique les feuilles pour se nourrir). Enfin, ce sont les champignons comme le mildiou et l’oïdium…

Evidemment, tous ces indésirables n’aiment pas les pesticides puisque ce terme générique désigne une grande famille, celle des insecticides, fongicides, herbicides et parasiticides. Le viticulteur s’en sert notamment pour tuer les vers parasites et les mauvaises herbes. La viticulture étant une branche de l’agriculture, il n’est pas étonnant que la mode du bio ait contaminé à son tour le monde vitivinicole. Le recours à des moyens phytosanitaires d’origine animale, végétale ou minérale permettra de produire un raisin bio. Le compost, engrais naturel, remplacera les engrais chimiques et on favorisera la présence des insectes prédateurs pour lutter contre les ravageurs…

Mais à l’étape suivante de la fabrication, bio ou pas, certains additifs peuvent être ajoutés, parmi lesquels le soufre. Celui-ci est essentiel pour éviter l’oxydation des vins et permettre leur bon vieillissement. En réalité, le bio correspond à une niche commerciale et si certains vignerons cultivaient leurs vignes à la façon des anciens avant la mode des vins bio, ou si d’autres y mettent une sincère conviction faisant écho à une prise de conscience, c’est bien avant tout un intérêt commercial qui guide la conversion d’un vignoble en agriculture bio. Ceci dit, dans le fond, rien de choquant puisque les vignobles ont toujours évolué en fonction de considérations économiques et que cette mode tend à s’inscrire dans une démarche qualitative.

Néanmoins, qu’en est-il du goût dans tout ça ? En matière de vin, particulièrement, c’est une histoire de goût. Comme toute mode, celle des vins bio a ses travers. Au premier titre, citons les vins sans soufre et les vins ni filtrés ni collés, les deux allant généralement ensemble. Un vin sans soufre est forcément bio, mais un vin avec du soufre n’est pas nécessairement un vin non bio. Un vin sans soufre est certainement plus digeste, et c’est le seul avantage que j’y vois. Les vins dépourvus de soufre ont un goût différent, que je qualifierais de terreux pour les quelques uns que j’ai pu goûter. Un côté lourd aussi. Ils perdent en finesse, d’autant plus facilement qu’ils ne sont en principe ni filtrés ni collés. Inutile de dire que dans ces vins il y a alors à boire et à manger. Question digestibilité, on repassera.

Mais ce n’est pas tout : le filtrage et le collage des vins permettent d’en éliminer les microparticules en suspension, et donc de stabiliser le vin. D’ailleurs, souvent les vins sont filtrés et collés. Souvent aussi, ils ne sont pas filtrés mais collés. Rares étant ceux non collés. Or cela parait fondamental. Certains très bons vins non filtrés et non collés magnifiques dans leur jeunesse se referment au bout de quelques années, ce qui entre en contradiction avec les efforts fournis pour atteindre la qualité voulue et surtout avec le niveau du vin revendiqué par le vigneron. Mieux vaut les boire dans leur jeunesse car si c’est la loterie quelques années plus tard pour tomber sur une « bonne » bouteille, cela complique quand même les choses : le produit final doit être irréprochable.

Finalement, la voie empruntée par la majorité des viticulteurs est celle raisonnable et par conséquent bien nommée de l’agriculture raisonnée. Des labels existent même si la plupart des viticulteurs n’ayant pas attendu leur apparition s’en passent volontiers. Celle-ci consiste à ne pas utiliser systématiquement les pesticides mais quand cela est nécessaire, afin d’en limiter l’usage. Un peu à la manière de nos antibiotiques, ce n’est pas automatique. Evidemment leur utilisation reste importante mais elle est nécessaire car la vigne est trop tributaire des aléas climatiques et naturels pour que le vigneron se permette de jouer avec le feu. Non seulement la vigne est son gagne-pain, mais il en va aussi de la qualité du vin.

 

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